La raie manta

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La raie manta me fascine ! Elle est à la fois élégante, gracieuse et puissante. On a pu voir beaucoup de reportages et écouter de nombreux récits de plongeurs qui évoquaient leurs rencontres sous-marines avec elles.

J’ai eu envie de tout savoir sur les raies manta : quelle est la plus grande espèce de manta ? Où vivent les raies manta ? Comment vivent-elles ? Pourquoi sautent-elles hors de l’eau ?

Qu’est-ce qu’une raie manta ?

La raie Manta est un poisson, donc elle respire sous l’eau grâce à des branchies.

Les raies appartiennent à la même branche que les requins, ce sont des poissons cartilagineux.

La raie manta n’est pas un mammifère, si elle remonte souvent à la surface, ce n’est donc pas pour respirer.

Manta est un genre de raie, c’est une sous-catégorie parmi les raies. Auparavant, deux espèces seulement étaient regroupées sous le nom de genre Manta : Manta birostris et Manta alfredi. Mais depuis 2017, les raies manta sont regroupées sous le nom de genre Mobula qui compte une dizaine d’espèces. Les Mobula sont appelée « raies du diable » ou « diable de mer » en raison des cornes qu’elles portent aussi sur leur tête. Dans cet article, nous ne pourrons pas traiter en détail chacune des sous-espèces ; nous ferons des grandes généralités qui s’appliquent néanmoins plus ou moins à chacune, une description globale de « la » raie manta et nous aborderons parfois des spécificités propres à une espèce.

Comment reconnaitre les raies manta ?

raie manta cornes céphaliques enroulées
Une raie manta avec ses cornes céphaliques repliées.

Les raies manta ont un corps plat comme toutes les raies (exception faite de la raie guitare et du poisson-scie). Leur dos est de couleur sombre (généralement marron, bleu ou noir), contrairement à son ventre qui est plutôt clair. Sur son dos on peut voir quelques points clairs et sur son ventre quelques taches foncées. Ces taches sont uniques et propres à chaque raie (comme les empreintes digitales pour les humains). Elles permettent donc de distinguer et de reconnaître les différents individus. On peut également voir cinq paires de fentes branchiales sur son ventre. Ses nageoires pectorales sont triangulaires. Elles sont situées de chaque côtés de son corps, tout comme ses yeux.

Les cornes céphaliques

Les deux cornes céphaliques, constituées de cartilage et présentent seulement chez le genre Mobula, sont placées à l’avant du corps, de chaque côté de la bouche. Elles peuvent s’enrouler sur elle-même et se dépiler. Ces cornes servent, quand elles sont dépliées, à concentrer et diriger le plancton dont se nourrit la raie manta dans la gueule de l’animal (un peu à la manière d’un entonnoir).

raie manta cornes céphaliques ouvertes
Cette raie a déroulé ses cornes céphaliques.

La bouche

Entre ses deux cornes céphaliques se trouve la très large gueule de la raie manta. En effet, celle-ci fait toute la largeur du corps de la raie (hors nageoires pectorales). Sur sa mâchoire inférieure se trouvent des dents, qui lui sont inutiles, son alimentation étant constituée de plancton uniquement. Ces dents sont des vestiges de l’évolution. La raie faisant partie de la même branche évolutive que les requins, on peut penser que ses ancêtres, il y a plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d’années, étaient dotés d’une mâchoire comparable à celle des requins que nous connaissons aujourd’hui.

Les raies manta, birostris et alfredi, ont une bouche qui se trouve à l’extrémité de leur corps. Les autres raies Mobula quant à elles ont une bouche ventrale. C’est un élément qui permet d’identifier les différentes espèces qui sont donc désormais toutes rassemblées sous l’appellation Mobula après un programme d’étude génétique ayant démontré la grande proximité des genres Manta et Mobula.

Combien mesurent les raies manta ?

La taille des raies manta est très variable.
Les plus grandes raies manta sont les Mobula birostris ou raies manta océaniques, elles atteignent jusqu’à sept mètres d’envergure et pèsent entre une et deux tonnes. Un spécimen mesurant 9,1 mètres a un jour été retrouvé.
Les plus petites espèces (Mobula munkiana et kuhlii) mesurent quant à elles environ 1m à l’âge adulte.

Que mangent les raies manta ?

Pour se nourrir, la raie manta doit nager la gueule ouverte et les cornes céphaliques dépliées. Cela lui permet de diriger l’eau de mer vers sa gueule. Cette eau ingérée est alors filtrée au niveau des branchies ce qui lui permettra à la fois de respirer et de se nourrir du plancton contenu dans l’eau.

La raie manta nage souvent à la surface. C’est pour cela que certain pensent que c’est un mammifère et qu’elle remonte pour respirer, mais pas du tout ! Si elle nage souvent proche de la surface, c’est parce que c’est là qu’elle trouve le plancton (son alimentation principale).

Elles trouvent environ 25% de leur nourriture proche de la surface. Pour les 75% restant, elles plongent beaucoup plus en profondeur.

Mobula alfredi peut ainsi plonger jusqu’à 400m de profondeur pour se nourrir.
On sait aussi qu’une autre espèce de raie manta, Mobula tarapacana, peut quant à elle plonger jusqu’à presque 2000m pour se nourrir.

mobula tache identité
raie du diable vue de dessus
groupe de mobula

Comment se reproduisent les raies manta ?

Les raies manta sont ovovivipares : l’œuf éclot à l’intérieur de la femelle, qui donne naissance à un petit complètement formé. La période de reproduction varie en fonction de l’endroit et du type de raie manta.

L’âge de la maturité sexuelle varie d’une espèce à l’autre et, à titre d’exemple, il se situe vers 10 ans pour la grande raie manta océanique (Mobula birostris).

La reproduction est précédée d’une parade nuptiale. C’est une sorte de danse du mâle et de la femelle qui « vole » ensemble sous l’eau.

La gestation dure plus d’un an. La femelle met au monde un petit qui peut mesurer jusqu’à 1,2m et peser 45kg, pour les plus grands spécimens. Après la naissance, la mère ne nourrit pas son petit qui est immédiatement indépendant.

Elles ont une espérance de vie allant jusqu’à quarante ans (si elles survivent, ce qui est une tâche difficile).

Où vivent les raies manta ?

Les raies manta sont présentes entre les tropiques du Cancer et du Capricorne, dans les zones tropicales et sub-tropicales. On les trouve essentiellement dans les trois grands océans : Pacifique et Indien, mais aussi Atlantique. Elles apprécient les eaux chaudes à tempérées.

On trouve même une espèce de raie manta (Mobula mobular) en mer Méditerranée. Pour en savoir plus sur la présence de cette espèce en Méditerranée, nous vous conseillons l’écoute du podcast Baleine sous Gravillon qui accueillait pour cet épisode Matthieu Lapinski, président de l’association Ailerons.

Ce sont des animaux nomades, elles voyagent beaucoup, pour suivre le plancton. En effet, elles ne se déplacent pas seulement pour la reproduction comme beaucoup d’espèces, mais aussi pour suivre leur nourriture (comme les baleines).

Elles vivent entre 0 et 120 mètres de profondeur la plupart du temps.

Comment se comportent les raies manta ?

Les raies manta sont souvent observées lors de leur passage sur des stations de nettoyage sous-marines.

Les manta ne peuvent pas s’arrêter sur les stations de nettoyage car elles doivent toujours être en mouvement pour pouvoir respirer. Donc elles passent aux stations de nettoyage pour se faire remarquer par les animaux nettoyeurs. Une fois les équipes de nettoyage « embarquées », elles vont nager au-dessus de la station en formant des 8 avant de redéposer les nettoyeurs à leur station une fois leur travail achevé.

Lorsque l’on voit des raies manta tourner sur une station de nettoyage, il faut se maintenir à une profondeur inférieure à la leur. Si les raies voient un plongeur sur leur trajectoire de nage, elles peuvent être dérangées et quitter le lieu. En revanche, si elles sont à l’aise et rassurées, elles peuvent se rapprocher des plongeurs.

Elles apprécient aussi de se mettre, spontanément et d’elle-même, juste au-dessus d’un plongeur. Les bulles qui sortent du détendeur à l’expiration les amusent, comme si ça leur faisait des chatouilles. On pense que les bulles contribuent en fait à leur nettoyer le ventre. C’est un peu comme un jacuzzi pour elles.

Si vous souhaitez vivre l’expérience de plonger ou nager avec des raies manta, vous pouvez consulter l’article Plonger avec les raies manta de Different Dive.

Les raies manta sont-elles intelligentes ?

Les raies manta ont le plus gros cerveau de tous les poissons.
Si l’on fait le rapport entre la taille et le poids du cerveau de la manta et la taille et le poids de son corps, elle a l’un des plus gros cerveaux du règne animal.

Le cerveau de ces raies dispose d’un réseau de vaisseaux sanguins qui permet de conserver la température du cerveau suffisamment élevée lors des plongées à de grandes profondeurs, où la température de l’eau est très basse. Si ce n’est pas un indicateur de l’intelligence des raies, on peut toutefois préciser que les mammifères et les oiseaux disposent de structures comparables dans leurs cerveaux, ce qui explique en partie pourquoi ces deux groupes ont émergé et survécu au cours des derniers millions d’années.

Par ailleurs, des études récentes ont montré que les raies manta auraient conscience d’elles-même lorsqu’on les met face à un miroir. Si ces résultats sont validés, cela confirmera que les manta comptent parmi les espèces marines les plus intelligentes.

manta avec marques de morsures de requin
On peut clairement voir des traces de morsures sur l’aile de cette raie manta. (Photo : Pierre Hallé)

Les raies manta ont-elles des prédateurs ?

Les manta océaniques ont très peu de prédateurs, leur grande taille impose le respect et dissuade les prédateurs. Les raies de récif, plus petites ont quant à elle plus de prédateurs : plusieurs espèces de requins, et orques.

Dans tous les cas, la raie manta peut nager suffisamment rapidement pour tenter de fuir en cas d’attaque. Il est courant de voir des raies manta avec les ailes abîmées, portant des traces de morsures de requins. Ce sont des signes qu’elles ont pu échapper à des attaques.

Les raies manta sont-elles en danger, menacées d’extinction ?

Oui ! De nombreuses espèces de raies manta / Mobula sont en danger et pour de multiples raisons. Surpêche et pollution sont évidemment et malheureusement les deux principaux facteurs contribuant à la décroissance des populations de manta.

Il n’est pas rare que des sacs ou autres déchets en plastique se prennent dans leurs cornes céphaliques et les empêchent de se nourrir correctement.

Que la pêche soit artisanale, accidentelle ou ciblée, elle met également une grosse pression sur les populations. Elles se coincent très facilement dans les filets des pêcheurs, immobilisées, elles ne peuvent alors plus respirer et meurent asphyxiées. Elles sont également très recherchées dans certains pays asiatiques, où les médecines traditionnelles leurs attribuent des bienfaits sur la santé. De même, certaines gastronomies affirment que leur chair est succulente.

Pourquoi les raies manta sautent-elles hors de l’eau ?

Il est très fréquent de voir des vidéos de manta bondissant hors de l’eau.

Si les raisons exactes de ces sauts restent mystérieuses, plusieurs hypothèses sont avancées.

Leurs sauts pourraient faire partie d’une parade nuptiale, pour séduire une autre raie, lui montrer sa puissance.

Sauter hors de l’eau et surtout y retomber lourdement pourrait servir à éliminer les parasites présents sur leur peau ; comme les rémoras, poissons dont la tête est dotée d’une ventouse et qui infligent souvent des blessures aux animaux auxquels ils se fixent. On pense par ailleurs que des baleines sautent hors de l’eau pour cette même raison.

Autre hypothèse : la communication. Le bruit que produisent les sauts peut être perçu à plusieurs kilomètres de distance. On pense donc que cela pourrait servir à signaler sa position à d’autres individus afin de se regrouper.

Enfin, hypothèse qu’il ne faut pas écarter : le jeu. Comme les dauphins et d’autres cétacés, il se pourrait peut-être aussi que les sauts constituent un simple amusement.

Les raies manta sont-elles dangereuses ?

Pendant des siècles, les manta ont été craintes, notamment en raison de leur grande taille. Les marins pensaient qu’elles pouvaient couler leurs bateaux.

Contrairement à beaucoup de croyances : la raie manta ne possède pas d’aiguillon venimeux. Ce qui est le cas d’autres espèces de raies. La raie manta n’est pas non plus électrique (seule les raies torpilles le sont). Elle ne présente donc aucun danger pour les nageurs ou plongeurs. La raie manta n’est pas un animal dangereux.

Pour en savoir plus : Manta Trust est une association caritative dont la mission est la préservation des mobula et de leur habitat au travers des recherches, de l’éducation des populations et de collaborations diverses. Vous pouvez même adopter une manta et ainsi soutenir financièrement Manta Trust.
Nous recommandons également le livre Guide to the manta & devil rays of the world. C’est une sorte d’encyclopédie de la raie manta et de la raie du diable. Comme son titre l’indique, le livre est en anglais.

Un grand merci à Héléna Bouyer (médiatrice scientifique) pour son aide et à Pierre Hallé (blog French Plongeur) pour ses récits de plongée avec les raies manta et pour les photos.