🎙️ ADN environnemental 🧬 et anges de mer : le quotidien d’Adèle Barroil, plongeuse scientifique

Emission enregistrée le 28 décembre 2024.

Lorsque l’on évoque l’exploration sous-marine, on pense souvent aux images spectaculaires d’expéditions en eaux profondes. Mais derrière ces aventures, il existe un quotidien tout aussi passionnant : celui des scientifiques qui œuvrent pour la découverte, la compréhension et la préservation de la biodiversité marine. Dans cet épisode, nous allons à la rencontre d’Adèle Barroil, chargée d’études chez Andromède Océanologie, une structure bien connue dans le monde de la plongée et de la recherche. Elle nous fait découvrir son parcours, son travail sur des espèces emblématiques (comme l’ange de mer, Squatina squatina, ou les picarels), ainsi que ses plongées techniques parfois très profondes.

Le parcours d’Adèle : de la licence à la spécialisation en écologie marine

Adèle est née et a grandi à La Réunion. Après son baccalauréat, elle choisit de poursuivre ses études supérieures à Montpellier où elle intègre une licence Biodiversité, Environnement, Sciences de la Terre. Cette formation assez généraliste lui permet de garder plusieurs portes ouvertes : elle peut s’orienter vers l’écologie, la biologie ou même la paléontologie.

C’est finalement la voie de l’écologie qu’elle choisit pour son Master à Perpignan, un programme appelé B2E (Biodiversité Ecologie Evolution), avec une option “développement durable”.

Cependant, c’est surtout grâce à ses stages qu’Adèle se spécialise :

• Licence 2 : Stage en biologie (Evo-Devo) déjà axé sur les requins

• Licence 3 : Stage en paléontologie, centré sur l’étude de fossiles de requins

• Master : Stage à l’Ifremer de Sète, puis stage de Master 2 chez Andromède Océanologie à Montpellier, où elle travaille sur l’Ange de mer commun (Squatina squatina).

Les recherches d’Adèle : ADN environnemental, ange de mer et picarels

L’ADN environnemental, c’est quoi ?

L’ADN environnemental (ADNe) est un outil révolutionnaire pour la conservation marine. Chaque organisme laisse des traces d’ADN (excréments, mue, etc.) dans le milieu dans lequel il évolue. En filtrant l’eau pour récupérer ces traces et en comparant les séquences d’ADN à une base de référence, les scientifiques peuvent :

1. Identifier la présence des espèces (liste de toutes les séquences trouvées).
2. Cibler une espèce en particulier via un « marqueur » (cas du requin-ange).

Pour une espèce rare comme l’Ange de mer commun, cette seconde méthode (barcoding) augmente les chances de détection.

L’Ange de mer commun (Squatina squatina) en Corse

Adèle Barroil a participé à différentes missions pour améliorer la connaissance de cette espèce considérée comme rare en Méditerranée :

• Aire de répartition : contrairement aux idées reçues, l’ange de mer est présent non seulement sur la côte Est de la Corse, mais aussi au large du Cap Corse, voire au Sud-Ouest de l’île.
• Balises Argos : en partenariat avec des pêcheurs, des balises sont posées sur les individus lorsqu’ils se font piéger dans les filets. Les informations de température, de profondeur et de trajectoire sont analysées sur plusieurs mois.
• Menaces principales : la surpêche (même involontaire) et la destruction de l’herbier de posidonie.

Des colonies géantes de picarels

En menant des recherches sur l’ange de mer, l’équipe d’Adèle est tombée sur d’incroyables arènes de reproduction de picarels. Organisées en nids (de petits “trous” sur le fond sableux), ces poissons adoptent une stratégie surprenante :

• Les mâles creusent et entretiennent le nid.
• Les femelles se déplacent pour la ponte.
• Les prédateurs (raies, requins-anges, saints-pierres, etc.) s’alimentent autour de ces vastes “arènes de reproduction”.

Les arènes s’étendent sur plusieurs hectares, avec jusqu’à 1 à 3 nids par mètre carré ! Ce sont ainsi plusieurs millions de nids qui se concentrent sur certaines zones de la côte Est corse.

La plongée : une passion et un outil de recherche

Adèle commence à plonger très jeune, initiée par son père à La Réunion. Aujourd’hui :

• Niveau 3, plongée loisir

• Classe 2B professionnelle : jusqu’à 50m de profondeur pour travailler
• Formation recycleur et certification trimix hypoxique (permet des plongées très profondes).

Malgré la plongée professionnelle, elle conserve le goût de la plongée en loisir.

Le lien fort avec La Réunion

Adèle Barroil est née et a grandi à Saint-Leu. Elle a vu les coraux et les lagons se dégrader par endroits, notamment à cause d’épisodes d’écoulements de boue (urbanisation, ravines, etc.). Malgré cela, certaines zones restent préservées et les tortues, grâce notamment au centre Kélonia, sont très présentes.

Les baleines ont elles aussi connu une période où elles étaient plus rares. Aujourd’hui, elles sont revenues en nombre, attirant de nombreuses activités touristiques. Adèle estime toutefois qu’il existe encore une marge de progression pour mieux réglementer l’approche des baleines et protéger ces grands mammifères marins.

Le parcours d’Adèle Barroil est inspirant à bien des égards. Partie de La Réunion, elle a construit pas à pas ses compétences en biologie et écologie marines, avant de devenir chargée d’études chez Andromède Océanologie. Son travail sur l’Ange de mer commun et les arènes de reproduction de picarels démontre à quel point la conservation marine repose sur une connaissance fine des espèces et de leurs habitats.

Son témoignage illustre aussi l’importance de la plongée dans la recherche en milieu subaquatique, pour observer, prélever et expérimenter. Enfin, son regard sur la condition féminine en sciences et en plongée rappelle que chacune et chacun peut y trouver sa place, à condition d’oser et de persévérer.

Retrouvez Adèle :

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